mercredi 3 février 2010

Aiguillages

J'écrase le mégot contre le mur, noircissant mes doigts déjà couverts de peinture séchée, coulant un regard sceptique sur mon travail en cours : quelques couleurs sombres jetées sur une toile, l'ébauche d'une vue de l'esprit, une des sinistres images qui dansent dans mon esprit. L'ampoule du plafond peine à éclairer chaque recoin du garage dans lequel j'ai élu domicile depuis quelques mois, empilant sans relâche des dessins qui ne me satisfont pas. Ils finiront brûlés, je le sais, mais cela n'a aucune importance. Je ne suis que le résultat de choix qui n'ont pas été faits, de décisions qui n'ont pas été prises, alors je reprends mon couteau et je mélange sur la palette...

Alors j'étire mes doigts endoloris par le clavier que je n'ai pas quitté depuis des heures. Je remonte de quelques pages pour relire mon travail, mes lunettes reflétant la lumière blafarde de l'écran. La porte s'entr'ouvre, je réponds évasivement que je vais en avoir encore pour quelque temps. Elle sait que ça veut dire toute la nuit, cette histoire ne va encore pas durer longtemps, mais j'ai beaucoup trop de retard. Quoiqu'il arrive, je ne suis que le fruit d'une réflexion, d'un passé qui n'a pas eu lieu, alors je me remets à écrire, trouvant un brin d'inspiration dans un verre d'alcool...

Alors je crie en anglais dans mon micro-casque, notre équipe peut encore gagner si on se motive un peu. On vient de m'abattre, alors je tends la main vers ma canette de Coca pour en boire quelques gorgées et me calmer un peu. Le réveil derrière moi indique 4:52, mais je sais que le regarder ne fait qu'ajouter un stress dont je n'ai pas besoin. Le jeu est déjà assez prenant, d'ailleurs je m'apprête à y retourner dans 3... 2... 1... Ma main se pose sur la souris et mes doigts pianotent. Maintenant je sais que nous allons perdre, mais ce n'est pas un drame. Après tout je reste le résidu d'un chemin non emprunté...

Alors je soupire en répétant pour la vingtième fois sans doute à cet enfant d'arrêter de crier, courir partout, refuser de manger. J'ai énormément de patience, mais je sais que ce soir je vais encore faire semblant d'aller bien, en attendant qu'elle s'endorme. Prisonnier du lit, étouffant quelques sanglots, puis je sortirai pour chercher un moyen de faire semblant d'échapper à cette étouffante routine. J'ai tout ce dont on peut rêver, à part une vie qui me convienne. Je reste ce qui aurait été si... Alors je marche dehors en pleine nuit dans une ville morte...

En ce moment je me perds en réflexion sur des fantômes. Il y en a des dizaines d'autres. Je crois que Mr Nobody m'a un peu plus fait réfléchir que ce que je pensais.

1 commentaire:

  1. Je l'ai vu, et je dois - honteusement - avouer qu'il ne m'a pas fait le même effet. Dommage.

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