Idées noires

Voilà près d'une éternité que je suis allongé ici, dans une obscurité que mes yeux percent sans effort, à tourner sur moi-même sous ces draps qui me semblent trop chauds. Je ne sais plus si je cherche le sommeil ou si je dois attendre qu'il m'emporte.

Je ferme les yeux et je vois un cône de papier flottant dans un bassin, mais quelqu'un le remplit d'un liquide ambré et il sombre en un clin d'oeil.

Une voix résonne. Ce n'est pas chez moi, ce n'est pas dans l'immeuble. Un homme se plaint, dehors, en titubant. Je ne le suis pas levé pour le voir, mais sa voix s'étouffe à mesure qu'il parcourt la rue.

Je ferme les yeux et je vois une jeune femme sourire à quelqu'un en qui elle a confiance, mais il fait un pas vers elle pour montrer son visage hostile et ses poings serrés.

Je crois entendre un cri mais ce n'est sans doute que l'écho de mes illusions. J'espère ne pas trop tarder à trouver le sommeil, cette journée a été plutôt pénible et j'ai hâte d'en finir.

Je ferme les yeux et je vois un œil fermé, qui s'ouvre et cligne deux fois. L'iris est sombre.

J'entends un miaulement répétitif dehors, suivi des pleurs d'un enfant, suivis de bruits de pas à l'étage et de portes qui s'ouvrent et se ferment. Je peux presque entendre les soupirs.

Je ferme les yeux et je vois ce qui aurait pu arriver si seulement...

J'entends un murmure et je serre les dents, rongeant ma frustration.

Je ferme les yeux, espérant cette fois trouver le sommeil. Sans succès.